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Jouer aussi pour perdre…

Les apports de la psychanalyse

Une conduite d’auto-punition

Oui, c’est ça… je me dis : je vais encore perdre !!

Sur cette question du sens du jeu, on peut s’appuyer sur peu de travaux, l’essentiel ayant été traité par Sigmund Freud. Son  texte le plus célèbre sur le jeu reste « Dostoïevski et le parricide »  (1928) qui contient sans doute une part essentielle des réflexions psychanalytiques sur le jeu, dans lequel « on ne peut voir (…) autre chose qu’un accès indiscutable de passion pathologique ».

Cette passion, selon Freud, a la fonction psychique d’une conduite d’autopunition : « Quand le sentiment de culpabilité de Dostoïevski était satisfait par les punitions qu’il s’était infligées à lui-même, alors son inhibition au travail était levée et il s’autorisait à faire quelques pas sur la voie du succès ».

 

Le désir inconscient de perdre

C’est bien connu, le joueur aime perdre…

Selon Bergler (1957), le joueur est à considérer comme un névrosé, animé par un désir inconscient de perdre, donc par le masochisme moral, le besoin inconscient d’autopunition. Expression d’une « névrose de base » correspondant à une régression orale, le jeu serait la mise en acte d’une séquence toujours identique, représentant une tentative illusoire d’éliminer purement et simplement les désagréments liés au principe de réalité, au profit du seul principe de plaisir.

Cette opération nécessite un retour à la fiction de la toute puissance infantile, et la rébellion contre la loi parentale se traduit directement, chez le joueur, par une rébellion latente contre la logique.

L’agression inconsciente (contre les parents, représentant la loi, et la réalité), est suivie d’un besoin d’autopunition, impliquant chez le joueur la nécessité psychique de la perte.

 

La question de la transgression de la Loi

J’ai pris le droit de jouer pour emmerder un peu mon père

Reformulant les analyses freudiennes, Tostain introduit la problématique du rapport du sujet à la Loi : « Il ne me paraît pas que le joueur désire inconsciemment perdre pour satisfaire à un bien hypothétique sentiment de culpabilité qui n’a nulle place dans la dynamique du désir. Ce qu’il veut, c’est se soumettre à la Loi. Cette Loi qui exige qu’il renonce à son avoir pour pouvoir donner. Il agit comme s’il savait qu’il n’y a de don que de ce qu’on a pas parce qu’on a renoncé à l’avoir ».

Tostain revient à Dostoïevski, pour tenter d’éclairer « ce qui, au niveau du nom du père, manque que son fils tente de combler en jouant ».

 

« Le joueur ne sait pas l’origine de son désir »

Je joue, mais c’est une énigme pour moi, je ne suis pas joueuse de nature…

Jacques Lacan (1978) pose de façon plus philosophique et lapidaire la question du joueur : « Qu’es-tu, figure du dé que je retourne dans ta rencontre avec ma fortune ? Rien, sinon cette présence de la mort qui fait de la vie humaine ce sursis obtenu de matin en matin … ».

Les signifiants, la réponse du dé, sont bien de l’ordre de l’ultime, de ce qui dépasse le simple désir humain : « Marquer les six côtés d’un dé, faire rouler le dé ; de ce dé qui roule surgit le désir. Je ne dis pas désir humain, car, en fin de compte, l’homme qui joue avec le dé est captif du désir ainsi mis en jeu. Il ne sait pas l’origine de son désir, roulant avec le symbole écrit sur les six faces ». Dans cette approche « de sens », la psychanalyse rejoint des questions philosophiques, voire cosmologiques…

Extraits de « Jeux de hasard et d’argent – Contextes et addictions. Inserm. 2015 ».